Procès Tron: une accusatrice raconte sa « sidération »

Vosges Matin – publié le 14 décembre 2017

Le maire (LR) de Draveil (Essonne) et ex-secrétaire d’État Georges Tron et son ancienne adjointe Brigitte Gruel sont jugés pour viols et agressions sexuelles par la cour d’assises de la Seine-Saint-Denis jusqu’au 22 décembre.

Virginie E. et Éva L n’ont pas encore prononcé un seul mot. Depuis le début du procès pour viols et agressions sexuelles devant la cour d’assises de la Seine-Saint-Denis, commencé ce mardi, elles ne se sont pas exprimées.

Ce jeudi, au troisième jour de l’audience, les deux ex-employées municipales de Draveil, qui accusent Georges Tron et Brigitte Gruel, ont enfin eu la parole.

« Qu’on entende ma parole »

« Tout ce que je demande, c’est que ce soit jugé par un jury populaire, qu’on entende ma parole. Je n’ai pas porté plainte pour des soucis de réflexologie mais pour des agressions sexuelles », dit Virginie E..

Une parole durement éprouvée. Cette jeune femme blonde est la première à s’exprimer à la barre. Son témoignage est entrecoupé de larmes et de sanglots difficilement ravalés. Face à la cour, elle raconte sa rencontre avec Georges Tron, « à l’occasion d’une permanence parlementaire », les premiers « massages », son embauche à la mairie, sa promotion au cabinet du maire. « A aucun moment, je n’ai pensé que ça pouvait dériver », dit-elle.

Elle raconte les deux faits de viols qu’elle dénonce : le premier à l’occasion d’un déjeuner dans la salle de réception de la mairie de Draveil, en novembre 2009 ; le second au domicile de Brigitte Gruel, deux mois plus tard.

« Mon corps ne réagissait plus »

A l’issue du déjeuner, elle raconte que « Mme Gruel a défait mon chemisier, baissé mon soutien-gorge » avant que Georges Tron ne remonte sa jupe. L’élu LR lui aurait alors caressé le sexe avant de la pénétrer avec un doigt.

Durement voire brusquement questionnée par le président de la cour d’assises, Virginie E. explique que la contrainte n’était pas physique mais psychologique.

« Est-ce que vous vous manifestez ? A aucun moment, vous ne dites « non ». Vous ne pouviez opposer aucune résistance », la presse le magistrat. Elle décrit sa tétanie, son incapacité à réagir : « Je suis devenue toute molle. Mon corps ne réagissait plus. J’étais incapable de réagir, j’étais plus concentrée sur le battement de mon coeur ».

Il insiste: « On ne vous a pas menacé avec un couteau. En quoi étiez-vous contrainte ? » « Par l’autorité de M. Tron. Par son charisme. C’est quelqu’un d’autoritaire et d’impressionnant. A la mairie, il faut lui obéir dans la minute. C’est mon employeur, il a un poste important, j’ai peur », répond Virginie E.

Un interrogatoire du président qui n’a pas été du goût de tout le monde. L’avocat de Virginie E., Me Vincent Ollivier intervient pour défendre sa cliente.

« Peut-être aurait-il été préférable de commencer cet interrogatoire en indiquant des notions qui sont connues de tous les professionnels qui ont à traiter les victimes de viols et d’agressions sexuelles. La sidération et l’emprise sont deux notions parfaitement documentées qui expliquent pourquoi une victime peut se trouver dans l’incapacité de réagir face à son agresseur », assène-t-il. Avant de tenter de démonter un par un les arguments de la défense.

La seconde scène de triolisme lui a, selon elle, été imposée début janvier 2010 au domicile de l’adjointe, où il lui avait été demandé d’apporter l’agenda du maire.
Là encore, elle ne manifeste pas son opposition : « Je me suis pas laissé faire, c’est mon corps qui m’a pas permis de réagir », insiste-t-elle, évoquant sa « sidération ».

Une tentative de suicide

Pourquoi ne pas quitter la mairie ? Son époux – à qui elle ne parle pas des agressions – « ne m’a pas donné l’autorisation pour démissionner », a expliqué Virginie E., divorcée depuis 2013.

L’enquête a montré qu’elle s’était trompée sur plusieurs dates : celle du repas en question ainsi que celle d’une tentative de suicide qu’elle avait située en décembre alors qu’elle avait en fait eu lieu le soir du déjeuner.

« C’est compliqué, quand on est sous le choc, d’avoir une cohérence », a-t-elle justifié.

Elle avait par ailleurs menti en disant à des collègues souffrir d’un cancer de l’utérus. « Pour moi c’était la seule arme possible, je pensais que comme ça je ne serais plus agressée. (…) J’en suis désolée mais je ne le regrette pas, car à partir de ce moment-là je n’ai plus eu de problème ».

La deuxième accusatrice à la barre

La défense, qui y voit la preuve qu’elle est une « affabulatrice », a par ailleurs critiqué sa participation à un sujet d’Envoyé spécial diffusé jeudi soir sur France 2, intitulé « Un maire aux assises: celle qui accuse ». Les avocats de Georges Tron ont saisi le CSA.

Dans son tailleur marron strié de blanc un peu trop grand pour elle, Eva L. s’est ensuite présentée à la barre. Elle explique s’être trouvée comme une « poupée de chiffon » au milieu du maire et de son adjointe. Si elle esquivait trop de rendez-vous , Brigitte Gruel « me rappelait à l’ordre ».

Elle commence à en parler autour d’elle. « Personne n’a rien fait. Tout le monde savait et tout le monde savait que j’étais pas la première », accuse-t-elle, sa voix éraillée cédant sous les sanglots.

Et d’évoquer sa détresse, ses séjours « en psychiatrie, en addictologie » et termine: « Voilà ce qu’est ma vie depuis ma rencontre avec Georges Tron ».

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